L’impression numérique s’attaque à la majorité précoce !
Dans son ouvrage « Crossing the Chasm » paru en 1991, devenu rapidement un best-seller, Geoffrey A. Moore nous apporte un éclairage intéressant sur le rythme d’adoption d’une nouvelle technologie. Il définit une courbe d’adoption qui identifie les différentes phases par lesquelles une nouvelle technologie est présentée puis acceptée ou non par les futurs utilisateurs. Ainsi lorsque Didier Bertrand, directeur des opérations chez MGI Digital Graphic me demanda mon point de vue sur la convergence de l’impression offset et de l’impression numérique, la courbe en cloche de M. Moore me vint naturellement à l’esprit.
Bien entendu, aujourd’hui ces deux technologies sont complémentaires notamment avec les dernières innovations apportées sur le procédé offset (si après analyse des coûts et de la productivité, la solution offset est plus attractive il est évident qu’un entrepreneur raisonnable choisira cette solution), demain le choix entre ces deux technologies sera fonction de l’adoption plus ou moins rapide de l’impression numérique par les cinq profils de consommateurs et/ou utilisateurs qu’une innovation doit convaincre dans l’ordre pour se diffuser largement dans la société et dans le cas des industries graphiques parmi les professionnels de l’impression : les innovateurs, les visionnaires, la majorité précoce, la majorité tardive et enfin les trainards. Ainsi si on regarde les imprimeurs :
Figure 1. Processus d’adoption d’une technologie
Les innovateurs sont ceux qui sont sans cesse à la recherche des nouvelles technologies. Ils les dénichent même parfois avant même qu’un programme de marketing officiel ne soit lancé. Ils sont intrigués par toute avance fondamentale comme le développement exclusif MGI VBRS (Vibration and Bending Reduction System) et achètent bien souvent une technologie simplement pour le plaisir d’explorer ses nouvelles fonctionnalités : le chargeur pneumatique grande capacité de la presse Meteor DP60 Pro, la nouvelle vernisseuse sélective et numérique jet d’encre JETVARNISH. Il n’y a pas bien évidemment un très grand nombre d’innovateurs parmi les imprimeries (dans tous les secteurs d’activité en fait) on peut citer pour exemples Copyrama, filiale du groupe Graphotec ou l’imprimerie Chirat : « Quand j’ai découvert la JetVarnish sur la Drupa, déclare Jacques Chirat, j’ai immédiatement été séduit par le concept associant simplicité d’utilisation et qualité du rendu », mais les gagner dès le début pour un concepteur, fabricant et distributeur de presses numériques est la clé de tout, car leur visa rassure les autres joueurs sur le marché : il est possible d’obtenir une qualité professionnelle sur une presse numérique !
Les visionnaires (ou les « early adopters » comme les appelle Geoffrey Moore) apprécient très rapidement la nature et les bénéfices du nouveau développement. Comme les innovateurs, ils achètent les nouveaux concepts de produits très tôt dans leur cycle de vie, mais à la différence des innovateurs, ils sont moins attirés par la technologie en tant que telle. Ce sont plutôt des imprimeurs qui imaginent, comprennent et apprécient facilement les avantages d’une nouvelle technologie, et relient ces avantages potentiels à leurs autres préoccupations comme la solution originale de Web-to-print proposée sur chaque Meteor DP permettant d’associer l’impression à la demande aux nouvelles exigences du e-commerce réclamées par le marché. Ils ne fondent pas leur décision d’achats ou d’investissements sur des références bien établies, ils préfèrent se fier à leur intuition et à leur vision. Ils ont alors le grand avantage de pouvoir anticiper l’équipement de leur imprimerie aux demandes des marchés émergents ou tout bonnement à ce que le marché semble exiger de plus en plus aujourd’hui : les courts tirages, les travaux aux délais brefs, les impressions personnalisées, les données variables, le transpromo etc. Ce sont bien sûr des personnes clés pour l’ouverture de tout marché high-tech comme celui des presses numériques.
La majorité précoce est intéressée par les bénéfices apportés par l’innovation, mais ne veut pas expérimenter la nouvelle presse numérique ou le nouveau procédé d’impression. Elle partage quelques aptitudes des visionnaires, mais au bout du compte, elle est poussée par un fort sens du pratique : Quels sont les attentes du marché et les besoins des clients ? Quelles différences et quelle complémentarité avec l’Offset ? Quelle valeur ajoutée puis-je attendre de cette nouvelle technologie ? Ou plus précisément, quelle valeur ajoutée mes clients attendent de moi ? Elle sait que beaucoup de ces inventions modernes sont passagères, alors elle se contente d’attendre quitte à perdre pendant un certain temps leurs marges en acceptant des travaux dont les spécifications ne correspondent pas tout à fait à leurs presses actuelles. Elle préfère voir comment les autres font avant de les adopter. Elle veut voir des références bien établies avant d’investir de façon substantielle. Puis certifiée par la profession, la majorité précoce comme le Groupe LCA n’hésitera pas à décharger ses presses offset au profit des presses numériques ayant déjà été testé par les précurseurs : « Ultra-primée dans les plus grands salons internationaux, la Météor DP60 PRO de MGI représente une petite révolution dans le monde de l’impression. Cette presse met le numérique quasiment à l’égal de l’offset en terme de qualité. » dit Jean-Christophe Léac, Directeur général du Groupe LCA. La majorité précoce aura ainsi dans les premiers temps un avantage compétitif en choisissant l’outil qui convient le mieux, du point de vue des coûts, des bénéfices et des délais, et ainsi réaliser de l’impression à la demande selon un modèle économique viable.
Elle représente environ un tiers de l’ensemble du cycle de vie de l’adoption d’une technologie – ainsi gagner sa confiance pour un constructeur est la clé de la croissance et de substantiels bénéfices. C’est pourquoi on comprend très bien que MGI comme tous ses confrères mette en avant leurs récompenses et les certifications délivrées sur leurs technologies :
La majorité tardive partage les préoccupations de la majorité précoce, plus une : alors que la majorité précoce est à l’aise dans la conduite de la nouvelle technologie, les imprimeurs de la majorité tardive le sont beaucoup moins. Ainsi, ils attendent généralement jusqu’à ce que le nouveau procédé devienne un standard, avec l’assurance de certifications (comme la certification Pantone, la certification FOGRA sur la presse numérique Meteor DP60 Pro), de multiples tests positifs (comme les tests positifs de l’autocalibration des couleurs en cours de production et lors des retirages effectuée sur la presse Meteor DP60 Pro) etc. Ils ont tendance à investir notamment lorsque les grandes entreprises bien établies comme l’imprimerie Lightning Source (N°1 de l’impression à la demande dans le monde) ou encore le groupe CPI ont franchi le pas. Ils attendront jusqu’au dernier moment pour s’apercevoir que leur matériel datant de 2000 n’est plus compétitif et adéquat pour s’imposer sur le marché de 2010 et à venir. Comme la majorité précoce, ce groupe représente environ un tiers de la population totale du cycle de vie. On comprend très bien que courtiser sa faveur est très rentable pour le constructeur, elle permet notamment de réduire les coûts de la nouvelle technologie et d’amortir ainsi les coûts de R & D.
Les trainards sont les entreprises très peu enthousiastes à toutes nouvelles technologies et ce pour diverses raisons, certaines économiques d’autres personnelles comme « défendre sa technologie au nom de la tradition ». Matteo Rigamonti, fondateur et directeur de Pixart.it répond toutefois très bien à cet argument dans une tribune intitulée : « Il n’y a pas de guerre numérique/offset » en disant : « A ceux qui en sont encore à vouloir défendre leurs technologies au nom de la tradition, je dis que la tradition a cours dans la commémoration mais non dans le commerce. La tradition a besoin d’être constamment réaménagée, les acteurs du marché ont constamment besoin d’être bousculés et remis en question, sans quoi ils s’endorment sur leurs lauriers et réalisent un jour qu’une autre tradition a pris le pas. »
On comprend très vite que cette population au sein de l’industrie est appelée à disparaître très vite à l’exception de quelques très rares imprimeurs de quartier travaillant toujours en typographie pour une niche bien précise qu’est le livre ancien !
Le principal challenge pour le constructeur sera alors de faire passer un marché dominé principalement par quelques imprimeurs visionnaires à un marché beaucoup plus large dominé par un grand nombre d’imprimeurs principalement pragmatiques dans leur choix comme le prouve les propos de Franck Pourchet, président de l’imprimerie Edips : « J’étais donc très hostile aux business models auxquels on ne comprend rien, aux études de marché mondiales que l’on vous décline au régional en vous expliquant in fine que vous perdez déjà beaucoup d’argent ». On comprend ainsi la difficulté pour le fabricant car l’écart entre ces deux marchés jusqu’alors ignoré est en fait assez important pour mériter d’être comparé à un gouffre par Geoffrey Moore.
Bien sûr, plusieurs facteurs conditionnent la rapidité d’adoption par les professionnels de l’impression et de diffusion de l’innovation au sein des imprimeries. Everett Rogers dans son ouvrage « Diffusion of Innovations » précise les deux natures possibles de ces facteurs :
- les facteurs endogènes à l’innovation (qui résultent des caractéristiques intrinsèques de l’impression numérique),
- les facteurs exogènes à l’innovation (qui résultent de l’environnement dans lequel est introduit le nouveau procédé d’impression).
BIOGRAPHIE
Crossing the chasm de Geoffrey A. Moore
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